Semaine 4 : Karin-Elbassan : 685km


Une valse à 3 temps, c'est beaucoup moins dansant qu'une valse à 4 temps disait le grand Jacques. De notre côté, nous pourrions dire qu'une aventure de trois semaines c'est beaucoup moins exaltant qu'une aventure de quatre semaines tant il s'en est passés des aventures durant cette quatrième semaine.


Dimanche 17 novembre : 22e jour


Une fois n'est pas coutume, c'est pas un solide petit déjeuner que nous avons commencé notre journée. Sous le regard bienveillant du frère Petar, nous avons pu refaire nos forces avant une journée qui, vous allez le voir, allait se révéler dantesque.

Après avoir salué notre hôte franciscain, nous avons pris la route sous un franc soleil, poursuivis par le rire non moins franc et tonitruant de notre ami moine. Hélas, cette bonne humeur matinale ne devait pas durer longtemps. A peine étions nous sortis de la vallée qu'un puissant vent de face s'est mis à souffler, bien décidé à nous martyriser pendant toute la journée.

C'est ainsi que ce dimanche ensoleillé, prometteur et enjoué, allait se transformer en cauchemar pour les aventuriers (ce n'est pas un alexandrin).

Kilomètre après kilomètre, ligne droite après ligne droite, cote après cote, c'est face à un adversaire invisible et usant, que notre mental fut mis à rude épreuve sur plus de 100kms.

Sur les coups de 16h, alors que l'ennemi semblait rendre les armes, la deuxième lame allait s'abattre. Dans les 30 derniers kilomètres, un violent orage s'est soudainement abattus sur nous et nos frêles montures. C'est dans les éclairs, la pluie, le tonnerre et la nuit que nous avons dévalé les montagnes croates pour plonger vers Split.

Mais par un prompt renfort de motivation, nous avons pu arriver à 19h pétantes devant la paroisse salesienne de Split, dégoulinant de joie, pour la messe dominicale.

Notre journée s'est achevée dans la joie et l'allégresse, cœurs et corps réchauffés par le chaleureux accueillants des salesiens de Split : Pizza et match de football Albanie-France s'il vous plaît !


Lundi 18 novembre : 23e jour


Après la journée d'anthologie de la veille, il nous paraissait nécessaire de prendre une petite journée pour décompresser. Nous nous sommes donc offert une petite journée de transition : 60km le long de la côte Dalmate, sous le soleil, le yeux rivés sur le bleu turquoise de la mer Adriatique.

Notre journée s'est achevé au sanctuaire mariale de Vepric, reproduction croate de la grotte de Lourdes, où l'accueil chaleureux du père Mijo a fini de nous aider à nous remettre de la dure journée de la veille.


Mardi 19 novembre : 24e jour


Au cours du petit déjeuner que nous partageons avec le père et des employés du sanctuaire, nous apprenons que deux semaines auparavant, un couple de français marchant vers Jérusalem à également fait étape ici, nous décidons de prendre leur coordonnées pour essayer de les contacter ! Que de français qui pélerinent décidément !

Notre journée suit ensuite son cours, toujours le long de la côte, à l'exception de quelques kilomètres dans les terres, le long de la Neretva, une plaine maraîchère irriguée par le fleuve du même nom. Cette plaine où poussent mandariniers, orangers et citronniers, nous dépaysent, on se croirait en Asie avec ces champs à moitié inondés qui rappellent des rizières.

Après avoir croisé Hugo, un cycliste français qui fait le tour de l'Europe, nous arrivons dans l'enclave bosnienne de Neum. Une petite bande de terre de 24 km de large, seul accès bosnien à la côte. Ces 24 km nous arrangent bien, un pays de plus ! Et ici comme ailleurs, la Providence veille, après la messe et le chapelet à la paroisse catholique de Neum, Katica, une paroissienne d'une soixantaine d'année, nous accueille chez elle, avec simplicité et bienveillance.


Mercredi 20 novembre : 25e jour


Après un temps de prière partagé avec notre hôte, nous avons pris la direction de Dubrovnik, destination de notre dernière étape en Croatie.

Une fois encore la météo décidait de nous jouer des tours, et c'est sous une succession d'averses franchement solides que nous avons enfin rejoins l'ancienne cité libre de Dubrovnik, comptoir maritime et marchand. Après une visite éclaire de la vieille ville fortifiée, qui rappelle un peu Venise avec ses petites ruelles pavées, lieu de tournage de la série Game of Thrones, nous avons mis le cap sur Mlini, où Vera, Nicolas et leur famille nous attendaient.

Une fois encore, leur hospitalité est touchante et les échanges sont riches. La foi de chacun est profonde, et l'on sent ce peuple croate fier de ce qu'il est, accueillant et pieux.


Jeudi 21 novembre : 26e jour 


Une fois n'est pas coutume, c'est par un déluge que nous avons été réveillés, mais pour une fois, nous étions à l'abri.

Après le petit déjeuner et une dernière tranche de discussion, nous sommes parti sous un léger crachin pour le Monténégro.

La frontière passée, nous avons plongé vers la mer de Kotor, magnifique étendue d'eau, cernée par des montagnes et bordée de pittoresques petits villages comme Perast ou la ville de Kotor.

Nous avons ensuite pris la direction de Budva, où nous avons rejoins la mer. Cette station balnéaire défigurée par de grandes tours modernes a cependant gardé un centre historique des plus charmant, là encore, l'influence vénitienne se fait sentir.

Ce soir là, la Providence avait décidé de nous dépayser puisque c'est dans un monastère orthodoxe que nous avons été accueillis.


Vendredi 22 novembre : 27e jour


Réveillés aux aurores par l'appel des moines à la prière, nous nous sommes éclipsés à la première heure afin de profiter d'une journée complète (jambon, œuf, fromage quoi).

Après une matinée ensoleillée, à longer une fois de plus la côte, c'est un autre rayon de soleil qui nous a rejoins juste avant la frontière albanaise, Yuni, un coréen qui parcourt le monde une année sur deux, sur son vélo décathlon de seconde main (il venait du Maoc et voyageait depuis 10 mois) . Les quelques kilomètres passés avec lui nous aurons permis d'échanger sur les raisons respectives qui nous poussent à voyager, mais aussi d'essuyer une attaque de chiens errants (réussissant à percer nos sacoches) et enfin de l'aider à réparer son pneu crevé.

La route défilant, nous avons pu observer au fil des kilomètres, le changement du paysage. A l'approche de la frontiere albanaise, nous avons ainsi vu surgir les minarets, sorte de crayon de bois, pointant leur mine vers le ciel et symbole d'un changement progressif de culture.

La frontière passée, c'est dans un pays bouillonnant que nous avons été plongés, les klaxons répondant aux "Hello". Ce serait un euphémisme de dire que les albanais ont l'accélérateur facile tant leur folies routières ne semblent pas avoir de limites. Les stelles funéraires qui bordent les routes mal goudronnées n'en sont que la triste illustration.

Arrivés dans la ville de Lezhë, c'est par l'écho de l'appel à la prière que nous avons été accueillis, témoin du changement culturel entre Albanie et Montenegro (60% des albanais se disant musulmans). Après quelques recherches du côté de la cathédrale catholique, grâce à l'aide de Fabio, un jeune albanais, nous avons été accueillis par le père Lorenzo au séminaire internationale Redemptoris Mater. Ce séminaire rassemble des séminaristes de la communauté du chemin neocatechuménal, une communauté internationale, présente en France notamment.

C'est ainsi que nous nous sommes retrouvés accueillis par une quinzaine de séminaristes d'origines diverses : Italie, Salvador, Brésil, Colombie, Albanie...

Cet accueil et ces échanges avec le père Lorenzo et des séminaristes de nos âges nous ont remotivé pour la suite du périple !


Samedi 23 novembre : 28e jour


Après les adieux et la traditionnelle photo collective, nous avons mis le cap sur le sud de l'Albanie et notamment Tirana où nous devions passer.

Une fois le bouillonnement de la capitale évité, nous nous sommes laissés porter par de petites routes qui nous menaient de village en village au milieu des champs moisssonnés à la main, des troupeau de dindons menés par des albanais de tous âges ou encore poursuivis par des meutes de chiens errants, assoiffés de sang (et de sacoches décathlon).

Mais comme aucune journée ne devait être facile, celle ci pris une tournure inattendue. Alors que nous suivions la route goudronnée, celle ci s'est soudainement volatilisée pour laisser la place à un chemin cahoteux menant lui même à un passage à gai qui devait ensuite se transformer en chemin boueux serpentant dans les montagnes. Nous nous sommes alors retrouvés au milieu d'une région reculée, où les routes n'étaient que chemin boueux et où les habitants se déplaçaient en âne.  Nous avons donc du tirer, pousser, traîner nos braves montures pour finalement avancer péniblement. Surpris au milieu des montagnes par la nuit, nous avons ainsi décidé d'établir notre campement dans un champ, face au soleil couchant, priant sainte Claire que l'orage au loin passe son chemin.


Notre semaine fut ainsi rythmée par les passages de frontières marquant à chaque fois  notre progression et nous donnant du moral dans ce long périple où Jérusalem paraît encore bien loin.

Nous remercions encore la Providence pour son aide précieuse et pour toutes ces personnes rencontrées qui marquent notre chemin comme les petits cailloux du petit poucet.


Nous vous portons dans nos prières et pensées vers Jérusalem,


Pierre Emmanuel, Côme et Pierre Étienne, les Barouleurs