Semaine 6 : Neos Xerias-Istanbul


Et ça continue encore et encore, c'est que le... euh nan c'est plutôt la dernière ligne droite !

En effet, cette 6e semaine et l'arrivée en Turquie, la porte de l'Asie, amorcent pour nous un lent atterrissage vers Jérusalem.


Dimanche 1er décembre : 36e jour


Réveillés de bonne heure aux milieux de nos oliviers, nous plions rapidement bagages pour ne pas avoir à nous expliquer en grec avec l'agriculteur du coin. Nous décidons cependant de chanter l'angélus dans notre jardin des oliviers en ce premier dimanche de l'avent. Habitués au sapin, entamer le cheminement vers Noël au pied d'un olivier avait quelque-chose de plutôt dépaysant.

Le petit déjeuner avalé, nous prenons plein est, vers le soleil levant, vers l'Orient, vers Istanbul...

Journée grecque, journée ensoleillée donc, même si la température a nettement chuté par rapport au jour précédent.

La journée s'écoule tranquillement, au rythme de nos coups pédales. Les maisons sont un peu plus blanches, mais les chiens aboient toujours autant.

90km plus tard nous nous posons dans notre traditionnel champ d'oliviers après cette fois ci, une partie de cache cache avec un tracteur. La vue vaut le coup, une mer bleue et un coucher de soleil magistral avec au loin des îles montagneuses.


Lundi 2 décembre : 37e jour


Ce matin de décembre est nettement moins dépaysant tant la température a chuté. Cette fois les bonnets et les gants sont de sortie. Le temps est beau, le ciel est bleu et la mer est toujours là lorsque nous partons à l'assaut d'un petit massif montagneux avant de plonger vers Alexandroupoli et la frontière turque.

Le paysage a quelque-chose de provençal : oliviers, lavandes, odeurs de thyms, pins...ne manque que les cigales.

A Alexandroupoli nous faisons un arrêt technique pour réparer le vélo de Côme, nous faisons la rencontre de trois passionnés de vélos et du tour de France. Après un café en plein soleil entourés de vieux grecs nous reprenons la route vers la frontière turque.

La fin de la journée est rocambolesque. Nous décidons de planter la tente à 3km de la frontière mais nous nous rendons compte après coup que nous sommes aussi à 300m d'un avant poste de la police grecque. Nous passons donc la nuit en mode silencieux en prenant la ferme résolution de partir avant l'aube pour éviter tout problème.


Mardi 3 décembre : 38e jour


Grand jour que ce mardi 3 décembre, nous passons une frontière mais surtout nous quittons l'Europe (pour la quitter géographiquement il faudra attendre le Bosphore) pour rentrer en Turquie. Les contrôles se passent bien meme s'il y a un petit côté rideau de fer par endroit.

Une fois les formalités effectuées et les passeports tamponnés, une nouvelle route s'offre à nous, une superbe quatre voies et ses charmants poids lourds qui semblent très bien s'accommoder de la présence de vélos sur la bande d'arrêt d'urgence.

Nous avançons mais le paysage est morose. Le ciel est bas et les camions nous font respirer leur particules fines, seul l'appel à la prière vient nous apporter une touche d'exotisme.

Après 120km et une bonne douche sur les derniers kilomètres, nous arrivons à Tekirdag. Nos recherches de logements n'aboutissant pas, nous echouons à l'hotel, au sec.


Mercredi 4 décembre : 39e jour


Réveillés dans la nuit par l'appel à la prière matinal, les yeux nous piquent lorsque nous nous levons.

Nous partons sous un léger crachin...comme quoi les bretons n'ont rien inventé.

Apres des kilomètres dans l'air pur de notre autoroute turque, nous nous arrêtons pour le déjeuner. Un jeune turque, interne en médecine vient discuter. Nous lui parlons du voyage, de football et de notre destination du jour. Il essaye de nous aider pour l'hébergement en appelant un ami, dans succès. Merci quand même cher Burak !

70km plus tard nous arrivons à Silivri, une ville moyenne au bord de la mer de Marmara. Nous décidons d'aller à la mosquée demander l'hospitalité. Nous faisons alors la rencontre de Mehmet, un trentenaire de passage qui nous aide en nous emmenant voir les responsables de la mosquée. Ceux ci n'ont pas de salle à nous prêter, et nous proposent de dormir devant la mosquée. Le froid étant mordant nous déclinons poliment et reprenons la route. Grâce à Burak avec qui nous étions en contact, nous trouvons un endroit au chaud à quelques kilomètres.


Jeudi 5 décembre : 40e jour


Seulement 55kms nous séparent d'Istanbul. Mais crayant la circulation dense à l'approche d'Istanbul, nous décidons de partir tôt.

Bien nous en a pris car très vite nous nous retrouvons noyés dans les gaz d'échappement des minibus, poids lourds, voitures, scooters et tout ce qui va et vient sur la terre d'engins motorisés. Pendant trois heures, nous slalomons au milieu d'un traffic à vous faire regretter le periph' un jour de grèves (si si vraiment). Après 50km durant lesquels nos anges gardiens auront sûrement plus travaillé que nous, nous arrivons en vue de Sainte Sophie et de Constantinople!

Une fois descendu du vélo, nous sommes plongés dans un tourbillon de culture, d'odeurs, de bruits et de visages qui nous changent de nos champs d'oliviers.

Nous retrouvons Bedri un ami chaldéen du frère de Pierre Emmanuel, place Taksim, d'où il nous emmène à Bebek, quartier stambouliote chic où nous logerons.

Nous sommes accueillis au sein d'une paroisse lazariste, tenue par la communauté Identes, une communauté espagnole.

Nous avons alors la joie d'entendre la messe, ce qui nous avait manqué en terre orthodoxe !

Nous faisons ensuite la connaissance de la communauté : le père Ricardo et le père Andres, tous les deux espagnols et à Istanbul depuis plus de 30 ans, et Annik, une sœur consacrée française.

Ils nous invitent à dîner. Nous échangeons ainsi sur notre pèlerinage, nos pays respectifs, la foi et la politique...un dîner comme on les aime et qui nous font sentir un peu comme à la maison !


Vendredi 6 decembre : 41e jour


Avant d'entamer notre dernière ligne droite pour traverser la Turquie, nous avions décider de nous octroyer deux jours de pause pour profiter des merveilles d'Istanbul-Constantinople-Byzance.


Levés de bon matin nous nous lançons à l'assaut de la ville pour ne pas en perdre une miette. Après une matinée à flâner dans les rues, nous retrouvons Bedri, notre ami chaldéen, pour partager un déjeuner fait de durums, le traditionnel sandwich turc. Nous prenons ensuite la direction de la basilique Sainte Sophie, église construite sous le règne de Constantin au Ve siècle puis transformée en mosquée 1000 ans plus tard puis en musée il y a 100 ans.

En fin de journée, nous visitons le quartier de Balat à l'ouest de la ville, près des remparts de l'ancienne ville.

Nous regagnons ensuite Bebek pour un dîner des plus chaleureux chez Neçibe, l'ancienne nourrice de Pierre Emmanuel, qui nous accueille comme des rois. La soirée est riche en souvenirs et même si les mots ne nous permettent pas toujours de nous comprendre, les visages en expriment beaucoup.


Samedi 7 décembre : 42e jour


Cette deuxième journée de repos devait être pour nous l'occasion de découvrir les merveilles culinaires d'Istanbul.

Levés encore de bon matin, nous petit déjeunons chez Neslihan, la fille de Neçibe. Ce moment chaleureux nous permet de découvrir le traditionnel petit déjeuner turc, le kahvalti : olives, pains au sésame, miel, fromage...

Nous partons ensuite nous perdre dans les célèbres bazars stambouliotes, le bazar égyptien et ses épices, et le grand bazar et ses tapis. Loukoums, fruits secs, épices, chocolats, animaux, soie, étoffes, tapis, bijoux et thé nous submergent dans un tourbillon olfactif et auditifs (la méthode turque pour vendre étant de crier fort à interval régulier).

Nous visitons ensuite la célèbre mosquée bleue et ses magnifiques plafonds (malheureusement en travaux et donc magnifiques selon les guides touristiques) et partons ensuite nous empiffrer de pâtisseries orientales (kunefe, baklava, trileçe...) le tout arrosé de thé que les turcs boivent sans modération à toute heure de la journée.

Nous rentrons ensuite à Bebek pour la messe anticipée du dimanche.

Nous passons la soirée avec la communauté Identes et la paroisse du sacré cœur afin d'aider au service du traditionnel dîner de Noël de la communauté. C'est l'occasion pour nous de rencontrer de jeunes chrétiens et de discuter de notre foi et de notre pèlerinage. Nous nous lions d'amitié avec Anita, membre d'Identes, en période de "noviciat". Son énergie et sa bonne humeur sont communicatifs et nous finissons la soirée en chantant quelques chants scouts tout en essuyant la vaisselle.

A la fin du dîner, nous disons au revoir à nos hôtes dans une certaines émotion. Comme à chaque fois, la route simplifie les relations et nous tissons très rapidement des liens avec les personnes que nous rencontrons, le départ n'en est à chaque fois que plus dur.


A l'issue de cette 6e semaine et avant d'entamer la dernière ligne droite de notre périple, notre tête tourbillonnent des visages des personnes rencontrées. Nous nous apprêtons à quitter l'Europe en laissant derrière nous ce chapelet de personnes qui chacune à leur manière nous ont permis d'avancer. Les mots ne seront jamais assez fort pour remercier ces bonnes âmes qui nous ont témoigner tant de gentillesse et de bienveillance. Nous les portons tous dans nos prières vers Jérusalem.


La route continue donc pour les Barouleurs, le moral est à bloc et déjà le Saint Sépulcre semble se détacher au loin.


Nous vous portons dans nos pensées et nos prières, sûrs que la Providence veille sur nous.


Pierre Emmanuel, Côme et Pierre-Étienne, les Barouleurs