Semaine 7 : Istanbul-Antalya


Il y a des matins où se lever est difficile : se lever pour aller au travail, se lever pour aller en cours de sociologie, se lever pour aller en Bretagne... mais aussi se lever pour quitter un lieu devenu familier, des personnes avec qui vous avez tissé des liens et se lancer dans une traversée de 800 kms à travers un pays inconnu dans des conditions qui s'annoncent fraîches.

C'est pourtant ce qui nous attendait en ce matin du 8 décembre, fête de l'Immaculée Conception.


Dimanche 8 décembre : Istanbul-Bursa


Après un petit déjeuner aux aurores chez Neçibé, la nourrice de Pierre Emmanuel, nous quittons  discrètement l'ancienne maison lazariste pour reprendre la route non sans avoir dit une dernière fois au revoir à Anita, qui nous attendait sur le pas de la porte. Comme souvent ce moment est chargé d'émotion et le plus dur est de ne pas se retourner alors que nous nous éloignons (et comme toujours nous nous retournons pour un dernier salut de la main).

Nous rejoignons le bord du Bosphore que nous longeons jusqu'à Besiktas d'où nous prenons un bateau pour traverser le mythique bras de mer qui sépare l'Europe de l'Asie.

Une fois débarqués, nous roulons pour la première fois en Asie ! Nous laissons peu à peu Istanbul s'éloigner dans notre dos.

Nous prenons ensuite un autre bâteau pour traverser un autre bras de mer. Nous avalons ensuite les 65kms qui nous séparent de Bursa, en même temps que les particules toujours aussi douces des camions qui nous doublent.

Une fois arrivés à Bursa, nous nous mettons en recherche d'un lieu pour la nuit. Grâce à Anita nous avions récupérés les coordonnées de la paroisse chrétienne de la ville. Nous apprenons qu'il y a une messe et nous arrivons juste à temps. Nous nous joignons alors à une assemblée d'une dizaine de personnes pour une messe à mi-turque mi-française célébrée par le père Jacky, un prêtre lazariste francophone. A la fin de la messe le père se met d'accord avec les paroissiens pour la date à laquelle il viendra célébrer la prochaine messe, le mois suivant ! Nous réalisons alors qu'une fois de plus la Providence nous a mis au bon endroit au bon moment : une messe par mois et ce soir la nous étions là ! Nous prenons également conscience de la force de ces communautés chrétiennes qui n'ont pas la chance d'avoir la messe chaque dimanche !

Le père Jacky vient ensuite nous voir pour nodu aider à trouver un logement. Avec une grande fois et une confiance inébranlable en la Providence, il nous installe chez Mustapha, le gardien de la paroisse protestante.

Après une dernière bénédiction, il repart vers Istanbul, infatigable. Merci mon père !

Mustapha nous accueille comme des princes avec un sourire qu'il ne quittera pas. Nous dînons ensemble puis allons dormir.


Lundi 9 décembre : Bursa-Bozüyük


Comme souvent nous sommes cueillis au réveil par la gentillesse de nos hôtes. Cette fois ci, notre hôte, Mustapha, nous a préparé un petit déjeuner turc : olives, fromages, miel, pain et viandes.

Nous partons ensuite non sans l'avoir remercié. Une fois de plus la gentillesse des personnes rencontrées nous motive pour le reste de la journée.

En ce lundi de décembre, c'est dans le froid et le brouillard que nous partons. La mise en route n'est pas facile mais un phenomene devenu classique va nous faire passer la cinquième. Alors que nous pedalions tranquillement sur une triste route, une meute de chiens errants (oui oui une quinzaine de chiens) s'est mise à fondre sur nous de tout côté. Rodés à l'exercice nous ne nous affolons pas et pedalons calmement sans accélérer. Cependant leur agressivité est forte et nous devons notre salut et celui de nos sacoches à un poid lourd qui passait par là (pour une fois les gaz d'échappement étaient bienvenus). Ce genre de chiens, je vous l'assure, feraient changer d'avis Brigitte Bardot sur la protection des animaux.

Après 50km dans le brouillard, la route s'élève et peu à peu nous sortons des nuages. La neige fait son apparition et la vue qui s'offre à nous est magnifique, nous voilà à nouveau au milieu des montagnes enneigées.

Le reste de la journée s'écoule sans relief tant sur la route que dans le paysage. Nous redescendons ensuite vers Bozüyük, triste ville morne et grise.


Mardi 10 décembre : Bozüyük-Kuthaya


Après une nuit tranquille dans un hôtel bien miteux, nous partons à l'assaut du plateau anatolien. La grisaille est au rendez vous mais le ciel, pour une fois, retient ses larmes. La route monte et descend au milieu de champ recouverts de neige dans un décors sibérien. Les villages sont déserts et les quelques turcs que nous rencontrons nous font comprendre que nous sommes fous (ce que nous voulons bien croire).

Après une dernière montée exigeante, nous plongeons vers Kutahya, non sans avoir longé une centrale thermique à faire pâlir d'envie l'URSS.


Mercredi 11 décembre : Kutahya-Afyonkarahisar


Nous quittons Kutahya dans un brouillard epais dont nous devenons coutumiers. Autours de nous la nature est blanchie par un léger givre. Notre quotidienne pause angélus est magnifiée par une nature féerique : notre chemin s'enfonce au milieu des champs blanchis par le givre que recouvre un léger brouillard rasant qu'illumine le soleil en arrière plan..."güzel" comme diraient les turcs !

Nous traversons ensuite un "village Far West" : une grande rue déserte, des maisons abandonnées, des oies au milieu de la route, des vaches qui traversent, des chiens qui nous coursent et un vieux train de marchandises...ne manquent que les indiens.

30 kms plus tard nous arrivons à Afyonkarahisar, ville moyenne plantée au milieu de la Turquie.


Jeudi 12 décembre : Afyonkarahisar-Dinar (en Turquie)


Une de ces journées fatiguantes, sans relief, sans rencontre, une journée à oublier pourrions nous dire... non ! Car c'est ce type de journée qui nous rappelle que le pèlerinage est aussi une épreuve avec ses difficultés dans lesquelles il faut s'accrocher.


Vendredi 13 décembre : Dinar-Bucak


Le voyage du pèlerin est souvent parsemé de rencontres. Le plus souvent, il s'agit d'autochtones curieux de votre démarche. Mais de temps en temps il arrive que nous croisions d'autres pèlerins qui, comme nous, cheminent vers la ville Sainte. Ce matin, au supermarché de Dinar il s'agit non pas de Charles-Eric et Marie Domitille mais de Peter et Maria, deux autrichiens qui marchent vers Jérusalem. Nous échangeons sur le voyage, les difficultés et les chiens errants. En bons germaniques, ils sont équipés de matériels sophistiqués : un émetteur d'ultra-sons sensés repousser les chiens.


Le reste de la journée est calme, notre distraction ultime étant les klaxons (à priori amicaux) des camions.


Samedi 14 décembre : Bucak-Antalya


Grand jour que ce samedi 14 décembre puisqu'il devait marquer la fin de l'interminable traversée de la Turquie avec notre arrivée sur la côte méridionale, à Antalya.

Grand jour également puisqu'après 4300kms et 11 pays traversés, nous sommes victimes de notre première crevaison (*les 34 crevaisons de Baudouin lors des 2 premiers jours ne sont pas comptées dans ces statistiques) !


Après 85 kms d'effort, nous arrivons sous une pluie diluvienne à Antalya où le soleil joue à cache cache avec les averses (et quelles averses !). Nous décidons alors de nous rendre à l'église Saint Paul. Celle ci étant fermée, nous allons voir au centre culturel du même nom, juste à côté. Bien nous en a pris car nous sommes immédiatement accueillis par un groupe de jeunes protestants turcs et anglais. Ils nous expliquent que nous tombons le jour de leur soirée de Noël à laquelle nous sommes invités et qu'ils pourront ensuite nous héberger chez eux. Ô Joie d'avoir comme amie la Providence !

Après le dîner de Noël, nous allons boire un vers avec le groupe. Les discussions sont animées et nous faisons la connaissance de plusieurs jeunes dont Efe, un jeune turc converti qui rayonne.


Une fois la soirée achevée, nous nous rendons à vélo chez Peter, Albert et Thomas, sous un déluge à vous faire devenir sous marinier.

Nous nous endormons en nous demandant comme les bâtiments pouvaient résister à tant d'eau en si peu de temps...


A l'issue de cette semaine, nous sommes soulagés d'être venus à bout de cette partie que nous redoutions un peu. La morosité des paysages, la grisaille et le froid nous auront mis à rude épreuve mais comme on dit "la difficulté épreuve l'homme de caractère"! À ce rythme là, nous en aurons bientôt autant qu'un bon camembert (oui la gastronomie française nous manque).


Nous vous portons tous dans nos prières vers Jérusalem qui nous paraît chaque jour un peu plus proche,


Pierre Emmanuel, Côme et Pierre-Étienne, les Barouleurs